L’indépendance: Règles et Practiques Relatives aux Nominations à la Cour Européenne des Droits de L’Homme

Jutta Limbach, Pedro Cruz Villalón, Roger Errera, , Tamara Morshchakova, Stephen Sedley, Andrzej Zoll (INTERIGHTS, mai 2003)

Au mois de février 2003, un groupe d'éminents juristes européens s'est réuni à Londres pour examiner la question de l'indépendance des juges à la lumière de la procédure actuelle de leur nomination à la Cour européenne des Droits de l'Homme. Le présent rapport est le résultat de leurs délibérations et présente leurs recommandations.

Au cours des quarante dernières années, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a été au premier plan dans l'élaboration d'une jurisprudence sur les droits humains aux niveaux régional et international. Tout en saluant son action, le présent rapport est d'avis que sa crédibilité et son autorité risquent de souffrir des procédures ad hoc, souvent politisées, actuellement en vigueur pour la nomination de ses juges.

Compte tenu de son caractère international et du rôle de premier plan qu'elle joue en matière de droits humains, il serait anormal et inacceptable que les nominations à la Cour ne satisfassent pas aux normes qu'elle est chargée de faire respecter, y compris les exigences d'indépendance et d'impartialité des juges.

En outre, des procédures de nomination défectueuses rendent possible le fait que les juges choisis n'auront pas les compétences techniques et les capacités requises pour exercer leurs fonctions. Ces risques ont des répercussions négatives sur l'image de la Cour et la mise en oeuvre d'une jurisprudence sur les droits humains qui fasse autorité en Europe.

Le système actuel de nomination à la Cour consiste en la sélection de trois candidats au plan national, suivie de l'élection par l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe. A chacune de ces étapes, le processus est caractérisé par l'absence de transparence et d'obligation de fournir des explications.

Au niveau national, les Etats ont un pouvoir discrétionnaire absolu quant au système de sélection. Le Conseil de l'Europe ne prévoit aucune directive sur les procédures appropriées, et n'exige pas des Etats qu'ils rendent de compte de leur pratique ou qu'ils la justifient. Même dans les plus grandes démocraties, la sélection est souvent une récompense de la loyauté politique et non du mérite.

Au plan international, la Convention stipule que la nomination des juges est du seul ressort de l'Assemblée Parlementaire. Le Comité des ministres a un rôle d'examen limité qui, sur papier, lui permet de remettre en question les listes soumises par les Etats et leurs procédures de sélection. Dans la pratique toutefois, il donne l'impression d'être plus intéressé par la sauvegarde de la souveraineté des Etats, que de veiller à la qualité des candidats sélectionnés.

La Sous-Commission sur l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'homme, nommée par la Commission des Questions Juridiques et des Droits de l'Homme, représente le seul garde-fou dans le système actuel. Elle est composée de parlementaires dont la plupart n'ont pas suffisamment d'expérience dans les domaines des droits humains et du droit international. Elle fait des recommandations à l’Assemblée Parlementaire quant au candidat le plus approprié, sur la base d'une évaluation superficielle du curriculum vitae des candidats sélectionnés et d'un entretien de 15 minutes avec eux. Ses délibérations ont lieu à huis clos et elle n'est pas tenue de motiver le classement des candidats.

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